Noirot-Cosson & al., 2016

Modélisation de l'effet à long terme des applications de compost de déchets urbains sur la dynamique du carbone et de l'azote dans les terres cultivées tempérées

Noirot-Cosson & al., Soil Biology and Biochemistry Volume 94, Mars 2016, Pages 138-153

Le recyclage en agriculture de matières organiques exogènes (MOE) issues du traitement des déchets organiques est un moyen prometteur de restaurer la teneur en matière organique des sols (MOS) soumis à des pratiques intensives. Les applications de MOE aux champs peuvent également être utilisées en remplacement des engrais synthétiques.  Ces MOE ont des efficacités différentes sur l’augmentation des MOS et de la disponibilité de l’azote (N). Cette efficacité varie notamment en fonction des caractéristiques biochimiques des MOE, de leurs teneurs en C et N [1] et du contexte pédo-climatique de leur application.  Nous avons donc étudié les effets de l’application de différents MOE sur la dynamique du C et N dans le but de prédire le stockage de C, l'augmentation de la disponibilité de N pour les cultures et la réponse des plantes et enfin le risque de lixiviation de nitrates en utilisant un modèle mécanistique.

Résultats majeurs

La faible quantité de matière organique dans les sols (MOS) cultivés est devenue une menace mondiale pour leur durabilité, notamment en Europe [2]. L’augmentation du carbone organique dans le sol (COS) peut contribuer au stockage du carbone (C) et à la l'atténuation du changement climatique [3] tout en améliorant les propriétés du sol, améliorant ainsi la productivité des cultures [4]. Une des stratégies pour augmenter la MOS est d’utiliser des matières organiques exogènes (MOE) pour amender les sols, qui correspondent à des résidus organiques provenant de l’agriculture (fumiers, litières), d’activités urbaines (boues d’épuration, composts de déchets biologiques, composts de déchets verts), ou d’industries [5].

Le modèle mécanistique CERES-EGC a été utilisé pour simuler les effets de l’application répétée de composts de déchets urbains et de fumier pendant 13 ans sur la dynamique du carbone du sol (C) et de l'azote (N) dans le système sol-culture-eau-air dans un essai au champ de longue durée sur le site QualiAgro (figure 1).

Fig.1 Noirot-Cosson 2016

Figure 1: Vue d'ensemble schématique de la méthodologie de paramétrage. NLR signifie régressions non linéaires. Nmin et Nopt correspondent au niveau minimal et optimal de fertilisation minérale dans l'expérience sur le terrain. PII signifie pool du sol II, r et l pour pool de MOE résistante et labile. C, CN et k, la taille, le rapport C / N et le taux de décomposition de ces bassins, TOC la teneur en carbone organique total du sol et le CNTOC, son rapport C / N associé. Le paramètre Till, simulant le travail du sol, a été défini égal à 0 pour les simulations au champ et à 16% pour les simulations des conditions de laboratoire avec sol tamisé.

Plusieurs MOE ont été considérées: fumier de ferme, FYM; compost d’ordures ménagères résiduelles, MSW; compost de biodéchets, BIO; un co-compost de déchets verts et de boues d'épuration, GWS. Chaque application de MOE apportait l'équivalent de 220 à 400 kg de N ha-1. Le modèle NCSOIL a été paramétré à partir des cinétiques de minéralisation du C et N des MOE au cours d’incubations de mélanges sol-MOE dans des conditions contrôlées. Les simulations ont correctement reproduit les cinétiques expérimentales. Lors de la transposition de ces paramètres dans le modèle CERES-EGC, le stockage du carbone à l’échelle du terrain a été bien simulé (figure 2), de même que l’absorption et le rendement en azote des cultures, ainsi que le contenu en N minéral du sol malgré une légère surestimation.

Fig.2 Noirot-Cosson 2016

Figure 2: Evolution des teneurs en C organique dans les sols (mg C kg-1 sol),  simulés avec le modèle CERES-EGC en comparaison avec les points de mesures. La vitesse d’augmentation des teneurs en C organique dans les sols est exprimée en mg C kg-1 an-1

Le compost GWS a généré le stockage de C le plus élevé au cours de la période de 13 ans et le compost MSW le plus faible, avec respectivement 65% et 36% du carbone organique exogène (COE) appliqué incorporé dans le C organique du sol. Le GWS et le MSW présentaient le potentiel  le plus élevé de perte en N en raison de leur teneur élevée en N minéral et de son potentiel de minéralisation de N, contrairement au fumier FYM ou au compost BIO. MSW avait également le coefficient apparent d’utilisation de l'azote le plus important (48,8%) grâce à un potentiel de minéralisation élevé (76,3% de l'azote organique appliqué). La paramétrisation CERES-EGC obtenue offre des perspectives prometteuses pour la prévision des effets d'un plus grand panel de MOE et pour l'utilisation ultérieure de ce modèle pour gérer les pratiques d'application de  MOE à l'échelle régionale pour répondre à des objectifs de production végétale en minimisant les impacts  environnementaux.

Références

1. Peltre, C., Christensen, B.T., Dragon, S., Icard, C., Katterer, T., Houot, S., 2012. RothC simulation of carbon accumulation in soil after repeated application of widely different organic amendments. Soil Biology & Biochemistry 52, 49-60.

2. Ciais, P., Wattenbach, M., Vuichard, N., Smith, P., Piao, S.L., Don, A., Luyssaert, S., Janssens, I.A., Bondeau, A., Dechow, R., Leip, A., Smith, P., Beer, C., Van Der Werf, G.R., Gervois, S., Van Oost, K., Tomelleri, E., Freibauer, A., Schulze, E.D., Carboeurope Synthesis Team, 2010. The European carbon balance. Part 2: croplands. Global Change Biology 16, 1409-1428.

3. Lal, R., Follett, F., Stewart, B.A., Kimble, J.M., 2004b. Soil carbon sequestration to mitigate climate change and advance food security. Soil Science 304, 1623-1627.

4. Lal, R., Griffin, M., Apt, J., Lave, L., Morgan, M., 2004a. Managing soil carbon. Science 304, 393.

5. Marmo, L., Feix, I., Bourmeau, E., Amlinger, F., Bannick, C.G., De Neve, S., Favoino, E., Gendebien, A., Gibert, J., Givelet, M., Leifert, I., Morris, R., Rodriguez Cruz, A., Ruck, F., Siebert, S., Tittarelli, F., 2004. Taskgroup 4 Exogenous Organic Matter. In: Reports of the Technical Working Groups Established under the Thematic Strategy for Soil Protection, vol. 3.

Affiliation

UMR ECOSYS, INRA, AgroParisTech, Universit e Paris-Saclay, 78850, Thiverval-Grignon, France

Voir aussi

Houot, S., Pons, M.-N., Pradel, M., Caillaud, M.-A., Savini, I., Tibi, A., 2014. Valorisation des matières fertilisantes d'origine résiduaire sur les sols à usage agricole ou forestier. Impacts agronomiques, environnementaux, socio-économiques. Expertise scientifique collective. INRA-CNRS-Irstea. Synthèse. 113 pp. http://institut.inra.fr/Missions/Eclairer-les-decisions/Expertises/Toutes-lesactualites/ Expertise-Mafor-effluents-boues-et-dechets-organiques#.

Date de modification : 03 juillet 2023 | Date de création : 03 décembre 2018 | Rédaction : LD, SOERE PRO