Potard & al., 2017

Les pratiques d'amendement organique, facteurs potentiels favorisant l'émission par les sols de composés organiques volatils biogéniques dans les agrosystèmes

Potard & al., Agriculture, Ecosystems & Environment Volume 250, 1 Décembre 2017, Pages 25-36 and Volume: 255, Mars 2018, Pages: 119-120

Le sol terrestre est la principale interface impliquée dans le bilan du carbone et joue donc un rôle essentiel dans la qualité de l'air car il contribue directement au réchauffement planétaire en étant une source de gaz à effet de serre émis par les sols vers la troposphère [1]. Ces émissions concernent principalement le dioxyde de carbone (CO2) ainsi que des gaz tels que le méthane (CH4) et l'oxyde nitreux (N2O) [2] ou bien les composés organiques volatils (COV). Les COV (isoprène, terpènes, alcanes, alcènes, alcools, esters, carbonyles et acides) jouent un rôle important dans la chimie atmosphérique et la pollution et contribuent indirectement au réchauffement planétaire. Les processus biogéniques naturels constituent les principales sources de COV libérés dans l'atmosphère [3]. Si les émissions de COV par les plantes sont relativement bien documentées, on s’est beaucoup moins intéressé aux émissions des COV provenant des sols et des déchets organiques qu’ils reçoivent. Les COV biogéniques libérés par le sol sont produits lors de la décomposition et de la dégradation de la matière organique du sol (MOS) par les microorganismes [4] présents dans le sol. Les amendements organiques du sol augmentent la teneur en MOS et la biomasse microbienne [5]. Dans la présente étude, nous avons testé l’hypothèse selon laquelle la fertilisation du fumier contrôle les flux de COV biogéniques émis par les sols en affectant les microorganismes du sol. Nous avons donc cherché à déterminer si les amendements organiques des sols modifiaient la diversité des COV émis par les sols, s'ils augmentaient le flux de C-COV émis par les sols et s'ils affectaient la diversité bactérienne.

Fig Potard 2017

Résultats majeurs

Nous avons examiné si les amendements organiques répétés du lisier de porc (PS) et du lisier méthanisé (MPS) affectaient les communautés bactériennes actives et modifiaient la diversité et le flux de C des COV émis par les sols par rapport aux parcelles témoins sans fertilisation (C) (figure 1).

Fig.1 Potard 2017

Figure 1 : Diversité des spectres de VOCs émis. Aucun effet de l’historique de fertilisation sur 5 ans n’a été observé, ni sur la composition des communautés bactériennes ni sur les émissions de COV du sol (voir Barre d’entrée avant chaque traitement). Les sols cultivés émettaient des quantités importantes d’acétonitrile (masse m42, violette) indépendamment de la fertilisation du fumier. Le PS a activé Bacillus sp. dans le sol mais pas le MPS (non représentée) et a profondément modifié le spectre des COV avec une augmentation du méthanol qui est dominant (masse m33).

Les effets à long terme de l'historique de fertilisation des amendements et l'impact à court terme des intrants organiques ont été examinés en mesurant les émissions de COV et en analysant la diversité bactérienne active juste avant et jusqu'à 64 jours après amendement. Les émissions de COV du sol (diversité et flux) variaient naturellement avec les variations de température et de précipitations, indépendamment des apports de fumier. Aucun effet de l’historique de fertilisation sur 5 ans n’a été observé sur la composition des communautés bactériennes ni sur les émissions de COV du sol. Cependant, les deux apports de fumier (PS et MPS) ont été associés à une inoculation de γ-Protéobactéries (Pseudomonas sp. Et / ou Marinospirillum sp.) dans les sols au-dessus desquelles l’amendement de PS a activé le Bacillus sp. naturellement présent (Firmicutes). Les spectres de COV étaient principalement dominés par le méthanol et l'acétonitrile, les émissions d'acétonitrile ne dépendant pas des pratiques biologiques. Les flux de C-COV du sol vers l'atmosphère variaient de 12 à 76 µg de C-COV h-1 m-2 dans les parcelles témoins (figure 2).

fig.2 Potard 2017

Figure 2 : Flux de C-VOCs  émis par les sols. Le PS de porc a doublé les flux de C-COV émis dans l'air, tandis que le MPS a abaissé les flux de C-COV dans la parcelle témoin.

PS et MPS impactent différemment les émissions de COV du sol: l’amendement de PS a doublé les flux de C-VOC en raison d'une forte émission de méthanol, tandis que l’amendement de MPS a réduit les flux de COV encore plus que pour les parcelles non amendées (contrôle), ce qui présente un grand intérêt dans le contexte de l'atténuation des gaz à effet de serre dans l'agriculture. Nos résultats suggèrent que les flux de sol pourraient, dans certaines conditions, ne pas être marginaux par rapport aux flux de plantes et être potentiellement entraînés par de nouvelles utilisations des sols en agriculture.

Références

1. Oertel, C., Matschullat, J., Zurba, K., Zimmermann, F., Erasmi, S., 2016. Greenhouse gas emissions from soils—a review. Chemie der Erde – Geochem. 76, 327–352.

2. Lashof, D.A., Ahuja, D.R., 1990. Relative contributions of greenhouse gas emissions to global warming. Nature 344, 529–531.

3. Leighton, P. (2012). Photochemistry of Air Pollution.  Elsevier.

4. Atkinson, R., Arey, J., 2003a. Gas-phase tropospheric chemistry of biogenic volatile organic compounds: a review. Atmos. Environ. 37, 197–219.

5. Ramirez, K.S., Lauber, C.L., Fierer, N., 2009. Microbial consumption and production of volatile organic compounds at the soil-litter interface. Biogeochemistry 99, 97–107.

6. Leff, J.W., Fierer, N., 2008. Volatile organic compound (VOC) emissions from soil and litter samples. Soil Biol. Biochem. 40, 1629–1636.

Affiliations

a Université de Rennes 1, CNRS UMR 6553 ECOBIO, Campus de Beaulieu, 265 Av. Général Leclerc, 35042 Rennes Cedex, France

b Université de Rennes 1, CNRS UMR 6251, Institut de Physique de Rennes, Campus de Beaulieu, 265 Av. Général Leclerc, 35042 Rennes Cedex, France

Date de modification : 03 juillet 2023 | Date de création : 08 juin 2020 | Rédaction : LD, SOERE PRO