Chalhoub & al., 2013

Augmentation de la disponibilité d'azote dans le sol après applications répétées de compost: Utilisation du modèle PASTIS pour séparer les effets à court terme et à long terme

Chalhoub & al., Journal: Soil Biology and Biochemistry Volume 65, Octobre 2013, Pages 144-157

Le recyclage de composts urbains sur les sols cultivés permet de restaurer les teneurs en matière organique des sols [1]. L'augmentation associée de l'azote organique (N) affecte la dynamique de l'azote minéral dans le sol. La libération progressive d'azote minéral provenant de la minéralisation de la matière organique du sol et des formes organiques du compost rend difficile l'évaluation de la disponibilité en azote pour les cultures et augmente les risques environnementaux de contamination des eaux souterraines liée à la lixiviation de nitrates en excès dans le sol par rapport aux besoins des plantes [2]. Améliorer l'absorption de N par les cultures et réduire les pertes en N par lixiviation reste donc un défi [3]. Le premier objectif était d’étudier comment l’application répétée de composts augmentait la disponibilité du N minéral pour les cultures et de faire la distinction entre l’effet direct à court terme lié à la dernière application de compost et l’effet sur le plus long terme, lié aux applications précédentes répétées et à l’accroissement des stocks d'azote organique du sol. Le deuxième objectif consistait à établir un lien entre la disponibilité du N et la stabilité de la matière organique des composts ainsi que de leurs caractéristiques chimiques.

Résultats majeurs

La disponibilité du N dans les composts dépend de la stabilité de leur matière organique, donc de la maturité du compost et de leurs caractéristiques physico-chimiques. Le rapport carbone / azote (C / N) a été proposé en tant qu'indicateur pertinent de la maturité des composts [4] et a été couramment utilisé pour prédire la disponibilité de l'azote. Les composts avec un rapport C / N élevé (> 15) limitent souvent la disponibilité de l'azote en raison de son immobilisation dans le sol. La dynamique de l'azote dans le sol après l'incorporation de compost peut également être affectée par les conditions environnementales (type de sol, climat) et les pratiques de gestion (taux et fréquence d'application du compost, rotation des cultures, etc.), ce qui rend difficile la comparaison de résultats d’essais au champ distincts. Les essais de longue durée contribuent à une meilleure compréhension de l'effet d'applications répétées de compost sur la dynamique et la libération d'azote par la matière organique accumulée [5]. La modélisation est un outil puissant pour comprendre les interactions complexes entre les pratiques agricoles et la dynamique de l'azote dans le système sol-plante-eau et pour prédire les impacts environnementaux potentiels tels que la lixiviation de l'azote après l'application de composts [6].

Notre étude a examiné la capacité de différents types de composts urbains à augmenter le N organique dans les sols et sa disponibilité pour les cultures. La contamination potentielle des eaux souterraines par la lixiviation de l'azote minéral a également été évaluée. La dynamique de l'azote après l'application du compost a été simulée avec le modèle sol-plante PASTIS (figure 1), sur la base des données d'un essai de longue durée sur le terrain dans lequel  différents composts urbains ont été comparés. L'utilisation du modèle PASTIS a permis de distinguer les flux de N qui auraient été impossible à mesurer à l'échelle du champ.

Fig.1 Chalhoub 2013

Figure 1: Schéma des mesures et de la modélisation.

Après cinq applications, l'azote organique total a augmenté dans les sols amendés de 9 à 27% par rapport au témoin et l'augmentation de l'azote organique du sol correspondait à 32-79% de l'azote total apporté par les amendements. La disponibilité en N a augmenté dans tous les traitements recevant des amendements organiques. La disponibilité du N dans les sols amendés avec des composts urbains ou du fumier était principalement due à la biodégradabilité des amendements organiques, à leur teneur en N minéral et aux conditions de culture. Les composts à haute biodégradabilité ont montré une plus grande proportion de récupération d'azote par les plantes (21% pour le compost d’ordures ménagères résiduelles) au cours de l'année suivant leur application, tandis que des composts plus stabilisés (compost de biodéchets, co-compost de boues et déchets verts) augmentaient la disponibilité du N principalement par minéralisation du N organique augmenté après plusieurs applications de compost (minéralisation correspondant à 6 à 8% de l'azote organique du sol). Les composts matures se comportent de manière comparable au fumier de ferme (FYM), à l'exception du fait que, pour le fumier, très peu de N de la dernière application était disponible. Des applications régulières de compost équivalant à 200 kg N ha-1 tous les deux ans pourraient augmenter la disponibilité de N pour les cultures de 50 à 70 kg N ha-1 au cours des deux années de rotation des cultures. Cependant, les composts les plus stabilisés ont conduit à une récupération plus élevée de l'azote par les cultures, mais également à des quantités potentiellement plus élevées d'azote lixivié par rapport aux composts moins matures (figure 2).

Fig.2 Chalhoub 2013

Figure 2: Absorption d’azote par les cultures, provenant des 5 applications précédentes ou de la dernière application de compost et de fumier. Les absorptions d'azote dans les cultures ont été calculées et normalisées pour des taux d'application d'amendements équivalents à 200 kg N ha-1.

Références

1. Peltre, C., Christensen, B.T., Dragon, S., Icard, C., Kätterer, T., Houot, S., 2012. RothC simulation of soil carbon accumulation in four long-term field experiments with repeated applications of widely different organic amendments. Soil Biology and Biochemistry 52, 49-60.

2. Mamo, M., Rosen, C.J., Halbach, T.R., 1999. Nitrogen availability and leaching from soil amended with municipal solid waste compost. Journal of Environmental Quality 28, 1074-1082.

3. Singh, U., Giller, K.E., Palm, C.A., Ladha, J.K., Breman, H., 2001. Synchronizing N release from organic residues: opportunities for integrated management of N. Scientific World Journal 1, 880-886.

4. Cooperband, L.R., Stone, A.G., Fryda, M.R., Ravet, J.L., 2003. Relating compost measures of stability and maturity to plant growth. Compost Science & Utilization 11, 113-124.

5. Gutser, R., Ebertseder, T., Weber, A., Schraml, M., Schmidhalter, U., 2005. Short-term and residual availability of nitrogen after long-term application of organic amendments on arable land. Journal of Plant Nutrition and Soil Science 168, 439-446.

6. Bruun, S., Hansen, T.L., Christensen, T.H., Magid, J., Jensen, L.S., 2006. Application of processed organic municipal solid waste on agricultural land - a scenario analysis. Environmental Modeling and Assessment 11, 251-265.

Affiliations

a INRA, UMR ECOSYS (previously EGC, Environnement et Grandes Cultures) INRA, AgroParisTech, Université Paris-Saclay, 78850 Thiverval-Grignon, France

b AgroParisTech, UMR ECOSYS (previously EGC, Environnement et Grandes Cultures)  INRA-AgroParisTech, F-78850 Thiverval Grignon, France

c INRA, US 1158 Agro-Impact, F-02000 Barenton Bugny, France

d INRA, UMR1114 INRA-UAPV EMMAH, F-84914 Avignon, France

Voir aussi

Houot, S., Pons, M.-N., Pradel, M., Caillaud, M.-A., Savini, I., Tibi, A., 2014. Valorisation des matières fertilisantes d'origine résiduaire sur les sols à usage agricole ou forestier. Impacts agronomiques, environnementaux, socio-économiques. Expertise scientifique collective. INRA-CNRS-Irstea. Synthèse. 113 pp. 

Date de modification : 17 octobre 2023 | Date de création : 04 décembre 2018 | Rédaction : LD, SOERE PRO