VADETOX

Effet de l’apport de déchets sur la fertilité des sols et le rendement des récoltes

Impact à long terme de l'épandage de déchets en agrosystème (VADETOX)

Le programme de recherche initié par l’ADEME en 1996, intitulé “Evaluation des risques écotoxicologiques liés à la valorisation de déchets en agriculture” consiste à évaluer les risques de transfert des polluants issus des déchets vers le sol, les eaux, les végétaux et la chaîne alimentaire dans un cadre proche des pratiques réglementaires actuelles. En parallèle à l’acquisition de connaissances sur la dynamique des polluants dans le système sol-eau-plante, l’objectif finalisé est alors d’apporter des éléments factuels aux législateurs, aux gestionnaires, à la profession agricole et aux citoyens pour leur permettre de décider avec raison de l’avenir de cette filière.

  • Effets de l’apport de déchets sur la fertilité des sols : cas du phosphore

Le suivi agronomique de la qualité du sol a été réalisé de 1997 à 2005. Les résultats analytiques pour des indicateurs de fertilité (C org, MO, Ntotal, C/N et POlsen) sont disponibles pour 14 dates de prélèvements. Dans nos conditions d’apport cumulé de 40t de matière sèche de déchets et de composts à l’hectare (sur 8 cultures successives), des augmentations significatives des teneurs en phosphore biodisponible sont mesurées dans l’horizon de surface du sol après les trois premiers épandages pour les boues urbaines B1 (liquide) et B2 (déshydratée) (Figure 1). Si ces teneurs tendent à diminuer lorsque les épandages sont suspendus au cours des deux années suivantes, elles augmentent à nouveau lors du troisième épandage. Les autres PRO (composts de boue urbaine, compost d’ordures ménagères, cendres de combustion, boue industrielle de papeterie) et les témoins (fertilisation minérale basse et haute), bien qu’apportant des quantités d’éléments nutritifs différentes, ont des effets comparables sur les teneurs en phosphore assimilable des sols. L’accumulation plus forte de phosphore dans les horizons de surface amendés avec les deux boues, couplée à une disparition moins rapide de cet élément contribue à proposer le phosphore comme base du raisonnement des doses d’apports de boues (Schwartz et al., 2006, Impact à long terme de l’épandage de déchets en agrosystème, rapport ADEME Vadetox).

Fig.1 VADETOX

Figure 1 : Evolution des teneurs en P Olsen dans les différentes parcelles (Schwartz et al.)

  • Effets de l’apport des déchets sur le rendement des cultures : cas des cultures de blé

Le blé d’hiver 1997-1998 s’est développé normalement durant toute la période de culture. Les meilleurs rendements en grains ont été obtenus avec la boue liquide B1 et la boue déshydratée B2 (Figure 2). Ces rendements sont significativement supérieurs à ceux du témoin Tb (fertilisation basse), de la boue de papeterie B4 et du compost d’ordures ménagères C2. Il faut préciser que toutes les parcelles ont reçu une fertilisation basse. Les différences de rendements entre Tb et les autres traitements sont donc la résultante d’un « effet déchet » positif par rapport aux éléments nutritifs. De façon similaire, les meilleurs rendements en blé d’hiver 1999-2000 ont été obtenus sur les parcelles précédemment amendées par ces deux mêmes boues. Il y a donc eu un arrière effet des déchets épandus. L’absence d’épandage de déchets pendant deux ans, associée à des conditions climatiques défavorables expliquent une diminution des rendements en grains en 2001. L’effet fertilisant des déchets n’est plus constaté après 2 ans sans épandage.

Fig.2 VADETOX

Figure 2 : Evolution des rendements en blé (qx grains.ha-1) de 1998 à 2001 (Schwartz et al.)

  • Effet de l’apport des déchets sur l’accumulation d’éléments traces métalliques

L'étude comporte l’acquisition de connaissances sur le devenir des polluants minéraux et organiques (mobilité, biodisponibilité, transferts) et de leurs effets sur le système sol-eau-plante. Ainsi, les flux de polluants vers les végétaux, leur accumulation et leur transfert vers les horizons profonds du profil de sol et les eaux souterraines sont mesurés. Il n’y a pas d’augmentation significative des teneurs en éléments en traces totaux dans les sols, quels que soient les déchets ou compost épandus. Pour l’ensemble des éléments dosés, les concentrations des métaux dans les sols après quatre années d’épandage (neuf cultures successives) sont entre deux et dix fois inférieures aux teneurs limites réglementaires. Dans ces conditions, les épandages cumulés induisent une augmentation de 3 à 33 % des métaux totaux en fonction du déchet ou compost épandus, les valeurs les plus élevées s’expliquant par des teneurs initiales en certains métaux très faibles dans le sol. La concentration en polluants dans les déchets et composts ne renseigne pas à elle seule sur les quantités apportées aux sols. Il convient de signaler que l’apport d’engrais participe également à l’augmentation des stocks d’éléments en traces dans les sols. Les concentrations en éléments en traces dans les végétaux récoltés sont comparables quelles que soient la culture et le traitement. De plus, la comparaison des concentrations en métaux dans les grains issus des différents traitements et des parcelles témoins ne met pas en évidence de différences 2 significatives. Tous les éléments en traces dosés dans les grains de blé et de colza présentent des teneurs inférieures aux seuils de phytotoxicité et aux propositions de valeurs limites dans les aliments du Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France. La très faible exportation des métaux par les récoltes est expliquée par la biodisponibilité réduite des polluants apportés par les déchets et composts.

  • Effets de l’apport des déchets sur l’écotoxicologie

Des tests de toxicité sont réalisés sur les déchets avant épandages, sur des échantillons de terre collectés avant et après épandage et sur des eaux gravitaires collectées après des épisodes pluvieux significatifs. Les tests biologiques de toxicité utilisés (batterie : Daphnies, Algues, MicrotoxÒ) permettent d’intégrer l’impact de l’ensemble des polluants contenus dans une matrice solide et/ou son éluat et dans une solution (eaux gravitaires). Les éluats obtenus à partir des composts de boue urbaine, de la boue industrielle de papeterie et des cendres de combustion ne sont pas ou peu toxiques alors que ceux générés par la boue liquide ou déshydratée et les composts d’ordures ménagères présentent une toxicité. Ces effets, constatés au laboratoire, ont été comparés aux effets in situ. Les éluats issus des échantillons de terre collectés avant et après épandage des déchets ont été soumis aux mêmes tests biologiques. Aucune toxicité n’a été mesurée après épandage, quel que soit le déchet. Les tests de toxicité conduits au laboratoire permettent de mettre en évidence le danger toxique potentiel des échantillons, sans tenir compte des caractéristiques réelles de l’épandage (type de sol réceptacle, taux de dilution du déchet dans le sol). Lors des essais en laboratoire sur matrices pures et mélanges terre-déchet réalisés lors de précédents contrats avec l’ADEME, une toxicité limitée des matrices pures épandues a été révélée durant ces 5 dernières années d’études. Cette innocuité des matrices sur les organismes étudiés était pressentie déjà avec les faibles teneurs en polluants minéraux et organiques dosées dans les sols. Les résultats concernant la toxicité à court terme (test Daphnies 24 heures et test Microtox®) ne mettent pas en évidence pas de toxicité pour les eaux gravitaires.

Date de modification : 03 juillet 2023 | Date de création : 27 novembre 2018 | Rédaction : FW, LD