BIOSPAS - AgriBio4

BIOSPAS

BIOSPAS (2016-2017) </br> Agriculture Biologique et Simulation de Paysages Suppressifs

Pour concevoir des environnements aptes à supprimer ou du moins réduire les ravageurs des cultures, le projet BIOSPAS a consisté à modéliser l'effet de la structure du paysage sur le déplacement des auxiliaires et leur présence dans les parcelles. Test et paramétrage du modèle ont été réalisés sur le cas du carpocapse du pommier et son cortège de prédateurs, pour lesquels de nombreuses données d'observations en verger sont disponibles.

Le projet BioSPaS porte sur la conception de paysages "suppressifs", visant à l'amélioration des méthodes de contrôle biologique par la prise en compte des contextes spatiaux de l’échelle de la parcelle à celle du paysage. Il s'inscrit dans la problématique MABES (Mobile Agent Based Ecosystem Services), qui pose que l'un des verrous à la gestion efficace du contrôle biologique est le manque de compréhension des dynamiques spatiales des processus écologiques à la base des services de régulations. Une meilleure prise en compte de ces dynamiques à plusieurs échelles devrait permettre de concevoir des scénarios améliorant le contrôle biologique à l'échelle de la parcelle.

Les questions scientifiques sont ainsi : Quels sont les effets de la structure, de la répartition et de la composition des éléments seminaturels sur les mouvements des auxiliaires et des ravageurs en parcelle cultivée ? Quels sont les effets des contrastes entre habitats et de leur distribution sur les mouvements d’organismes dans le paysage, et comment les habitats de qualité sub-optimale peuvent-ils être mobilisés pour manipuler la connectivité en paysage agricole ? La démarche retenue consiste à construire un: modèle mécaniste, simulant les déplacements des organismes dans un paysage manipulable.

La première étape a consisté à développer un modèle individu-centré simulant les relations entre habitats et règles de mouvements des auxiliaires de culture. Ces règles de déplacements sont inspirées des principes génériques de l'écologie de la dispersion et de l'écologie comportementale du paysage ; elles incluent les variations de taux d'émigration à la frontière entre habitats et les variations de sinuosité des trajectoires en fonction de la qualité des habitats, effets observés chez tous les taxons et qui influencent fortement la répartition des individus et des populations. Ce modèle a ensuite été appliqué à trois échelles : intra-parcellaire pour étudier l’effet de la structure de parcelles diversifiées, parcellaire pour étudier les mouvements entre la parcelle et les éléments semi-naturels, et du paysage pour étudier les mouvements entre parcelles. Le modèle biologique utilisé comme base pour développer ce module était le Carpocapse des pommes, ravageur majeur et très étudié. Le cas du charançon du bananier a aussi été étudié sur la base du même simulateur.

Ce premier module a ensuite été complété par un second, pour prendre en compte les dynamiques temporelles supérieures (du semestre à plusieurs années) en incluant les dynamiques de populations des ravageurs. Le modèle biologique utilisé pour ce module était là encore le Carpocapse des pommes. L’analyse de sensibilité de ce module a révélé l’importance cruciale des données de mortalité relative des ravageurs et auxiliaires en parcelles conventionnelles et en parcelles en AB. Malheureusement, ces données ne sont actuellement pas disponibles, en particulier celles concernant l’exposition croisée in situ à plusieurs traitements pesticides. Après identification de ce verrou, le reste du projet a été redirigé vers une exploration plus large que prévue des relations entre mouvements et structures d’habitat et de paysage (module 1).

Approche et résultats

Le projet a permis de développer un modèle simulant les relations entre structure des parcelles agricoles (éléments semi-naturels, parcelles cultivées et diversification intra-parcellaire) et les règles de mouvements des auxiliaires de culture. Ce modèle a été utilisé pour rechercher des scénarios intra-parcellaires (de qualités et de répartitions d’habitats) permettant d'optimiser le temps de résidence des auxiliaires au sein de cultures. Il a également été utilisé pour analyser des scénarios d’organisation d’habitats de qualités différentes dans les paysages en vue de manipuler la connectivité en mobilisant les habitats de qualité sub-optimale pouvant être rencontrés en paysages agricoles. Enfin, il a servi de base à une étude de la structure spatiale d’une parcelle diversifiée (associant culture de base et une variété de couverts d’inter-rangs), et son utilisation pour favoriser le contrôle biologique. Ces résultats suggèrent que la manipulation des habitats dans les paysages, en jouant sur les mouvements individuels des ravageurs et des auxiliaires, pourrait améliorer de façon déterminante l’efficacité du contrôle biologique.

Par ailleurs, le projet a également permis d’explorer les interactions entre structure du paysage et pratiques agricoles de protection des cultures, et de mettre en évidence le manque crucial de données de mortalité in situ des espèces impliquées en fonction d’expositions croisées aux différents pesticides conventionnels et AB. Ces données devront faire l’objet d’une collecte exhaustive pour permettre de prédire les dynamiques de populations des espèces d’intérêt agronomique dans les paysages agricoles. Enfin, le projet a permis de démarrer l’exploration de l’effet des pratiques (pesticides) sur les capacités de mouvement du carpocapse des pommes. Ce type de données ouvre la voie à une meilleure prédiction des dynamiques spatiales des ravageurs influencées par les pratiques locales.

Mots-clés : Ecologie du paysage, contrôle biologique, dispersion, mosaïque agricole, paysages suppressifs, modélisation individu-centrée

Résultat marquant #1 : Utiliser les habitats de qualité sub-optimale présents dans les paysages agricoles permet d’augmenter la connectivité

À l’échelle du paysage, on considère généralement que les habitats favorables sont seuls capables de favoriser la connectivité. Dans cette optique, les éléments semi-naturels sont considérés comme les seuls à même de favoriser les mouvements d’espèces dans les paysages agricoles et donc d’améliorer la connectivité pour les auxiliaires. Des simulations montrent cependant que les habitats de qualité sub-optimale peuvent augmenter fortement la connectivité, parfois plus efficacement que les habitats favorables, en raison des comportements différents qu’ils stimulent : ainsi, par exemple, une espèce de papillon de prairies utilise, sur une zone fauchée, des mouvements rapides qui lui permettent de franchir la zone en moins de temps. Ces résultats ouvrent la voie à la création de scénarios paysagers novateurs où les habitats semi-naturels et les habitats agricoles dits « défavorables » sont utilisés en synergie pour favoriser les mouvements d’organismes dans les paysages agricoles.

Résultat marquant #2 : Une manipulation du contraste entre habitats permet d’augmenter la pénétration des auxiliaires dans les parcelles

Le projet a permis de mettre en évidence le potentiel de la gestion fine des qualités d’habitat pour manipuler les mouvements d’auxiliaires et de « ravageurs » dans les parcelles et les paysages agricoles.
Les haies et éléments semi-naturels (ESN) sont souvent considérés comme une source d’auxiliaires de culture qui se déplaceraient jusqu’à la parcelle pour y attaquer les ravageurs. En pratique, cependant, il est souvent constaté que ces mouvements sont très limités et que les auxiliaires restent cantonnés à la périphérie de la parcelle, probablement parce que celle-ci est perçue comme un habitat défavorable. Des simulations de parcelles et d’ESN manipulés pour modifier les contrastes de qualités d’habitats aux lisières proposent des scénarios qui permettent d’augmenter d’entre 20 et 70% la pénétration des auxiliaires au coeur de la parcelle, en particulier en s’éloignant du scénario classique où la parcelle est un habitat hostile (une culture homogène et très différente de l’habitat de base de l’espèce) et la périphérie un habitat favorable (un élément semi-naturel comme une haie).

Ce projet est porté par Thomas Delattre (Inra PACA), Unité PSH thomas.delattre @ inrae.fr

Financé dans le cadre du programme AgriBio4, il est prévu pour une durée de 24 mois (janvier 2016 - décembre 2017)

Présentation du projet

Les réalisations de BIOSPAS (fiche du séminaire de bilan - novembre 2019)

Diaporama du séminaire de bilan - novembre 2019

Le projet soumis (2015)

Publications scientifiques
Collard, B., Tixier, P., Carval, D., Lavigne, C., Delattre, T. (2018) Spatial organisation of habitats in agricultural plots affects per-capita
predator effect on conservation biological control: An individual based modelling study. Ecological Modelling, 388, 124 - 135. DOI :
10.1016/j.ecolmodel.2018.09.026.

Delattre, T., Collard, B., Lavigne, C. (2019) Keep your enemies closer: enhancing biological control through individual movement rules
to retain natural enemies inside the field. Web Ecology, 19 (1), 15-26. DOI : 10.5194/we-19-15-2019.

Delattre Thomas, Baudry Jacques, Burel Françoise (2018) An onion-like movement corridor? Possible guidelines emerging from smallscale
movement rules. Ecological Informatics (45) pp.48-58. DOI : 10.1016/j.ecoinf.2018.03.006.

Logiciels >> https://github.com/tdelattre 
Logiciel générant des scénarios paysagers et analysant leurs effets sur la connectivité.
Logiciel de démonstration générant des scénarios paysagers et analysant leur effet sur les dynamiques proies-prédateurs.
Logiciel de démonstration générant des parcelles diversifiées et analysant leur effet sur les dynamiques proies-prédateurs.

Date de modification : 05 juillet 2023 | Date de création : 30 juin 2015 | Rédaction : AV