Portrait de Sandrine Andypain

Portrait de Sandrine Andypain

Alors qu’elle finit ses études, Sandrine commence à travailler comme technicienne de laboratoire au CIRAD sur les questions de qualité post-récolte de bananes et participe au WP3 d’AgroEcoDiv.

Technicienne de laboratoire sur l’analyse de la qualité des fruits, Sandrine cultive professionnellement et personnellement ses relations au « monde extérieur », en interrogeant les potentialités de commercialisation des bananes selon leurs qualités, en s’investissant dans des rencontres sensorielles auprès des scolaires, ou encore en prêtant attention aux pratiques et variétés de production des agriculteurs auprès desquels elle s’approvisionne.

Les bananes, une affaire de goût et de qualité !

 Océane : Bonjour Sandrine, quel est ton parcours universitaire et professionnel ?

Sandrine : J’ai plutôt un parcours universitaire. J’ai commencé avec un DUT en biologie et agroalimentaire. J’ai poursuivi avec une licence et un master en bio. J’ai débuté au CIRAD sur la partie banane dessert et banane à cuire sur la qualité post-récolte des fruits, c’est-à-dire étudier leurs caractéristiques fonctionnelles (taux de sucre, acidité, et texture : dureté, fermeté, élasticité) et sensorielles. On étudie les potentiels de commercialisation, et l’aptitude à la cuisson à l’eau de la banane plantain.

Océane : Comment s’organise ton travail ?

Sandrine : Je suis à cheval sur plusieurs projets. Je travaille en partie sur la banane dessert, donc tout ce qui est PBD (Plan Banane Durable) ; et en partie sur AgroEcoDiv et sur le RITA, avec les plantains, donc les bananes à cuire. En réalité, c’est plus ou moins le même travail que je réalise sur des produits différents. Après, ce sont les critères de qualité qui diffèrent.

 Océane : Quelles sont les critères de qualité qui diffèrent entre les bananes à cuire et les bananes desserts ?

Sandrine : Sans rentrer dans les détails, on est habitué à manger la banane dessert crue comme la majorité des fruits. Les critères de qualité, sont : est-ce qu’elle peut être acceptée par le consommateur du point de vue organoleptique, est-ce qu’elle se conserve correctement, est-ce qu’il y a des désordres physiologiques (fruit qui meurtrit, qui dégraine facilement, ou qui bruni lors des manipulations) ? Sur la banane plantain, on est à un autre niveau : on est sur un niveau local, sur les habitudes de consommation locale, donc principalement de la cuisson à l’eau ou de la friture. Le critère brunissement ou meurtrissure de la peau ne sera pas aussi strict que sur la banane dessert car les guadeloupéens ont déjà l’habitude de voir des bananes brunies, ça ne va pas les empêcher d’acheter. On va plutôt se focaliser sur l’aptitude à la cuisson et à la transformation des variétés étudiées, c’est-à-dire : comment la texture et le goût vont évoluer après cuisson ou transformation.

 La transition agroécologique : des choix multicritères et des mises en réseaux

Sandrine estime que la transition agroécologique passe par de la sélection variétale, qui dépend de critères qui doivent être multiples et qui doivent intégrer les besoins économiques de l’agriculteur. La transition nécessite aussi des collaborations entre la recherche (et en son sein !) et le territoire.

 Océane : Quel est l’intérêt pour la transition agroécologique des recherches sur la qualité des produits alimentaires ?

Sandrine : Je trouve qu’il y a beaucoup d’intérêt. La qualité des fruits en soi ça s’intègre dans un ensemble de critères qui permet de choisir une variété plus qu’une autre. Si sur le plan agronomique c’est intéressant, il faut considérer la qualité. Car au-delà de la facilité à cultiver, de la résistance aux maladies, il faut que l’agriculteur ait un rendement, que le produit se conserve suffisamment longtemps et correctement pour être commercialisé et qu’il soit apprécié du consommateur bien évidement. Je dirais également qu’au-delà de la production et commercialisation, cela permet aussi d’orienter et de conseiller les producteurs et les consommateurs pour une meilleure valorisation et utilisation des produits.

 Océane : Quel est le levier principal à actionner pour booster la transition agroécologique en Guadeloupe ? Et quelles vont être les difficultés ?

Sandrine : Actuellement, le principal levier, on le fait déjà un peu dans AgroEcoDiv, c’est la collaboration entre les différents acteurs, que ce soit les chercheurs, les techniciens, les agriculteurs. Aussi, associer le végétal et l’animal, avoir une pluridisciplinarité des acteurs et des domaines de recherche, est un réel levier. Et puis concernant les difficultés, le langage. Par exemple, ça peut être parfois compliqué d’expliquer à un agriculteur, qui n’a pas cette formation scientifique en physiologie du fruit, que tel soin au régime va jouer sur tel critère de qualité.

 Océane : Comment participes-tu à titre personnel à cette transition agroécologique ?  

Sandrine : J’estime ne pas être la meilleure participante mais j’essaye d’y participer, en choisissant des produits locaux, en allant au plus près des producteurs au lieu d’aller dans les centres commerciaux. J’essaye d’avoir cette discussion avec les agriculteurs sur comment ils font leur sélection au niveau des variétés, ou comment ils ont produit ? Je préfère favoriser les circuits courts et je m’interroge sur les pratiques culturales ou d’élevage.

 Les ateliers du goût : la transmission aux plus jeunes

Sandrine a animé des ateliers de goût au lycée. Une expérience enrichissante pour les élèves qui ont découvert un corps de métier, mais également pour elle qui a pu évaluer les goûts du grand public.

 Océane : J’ai vu que tu avais animé des rencontres et ateliers sensoriels au lycée Gerville-Réache, comment ont été accueilli ces rencontres ?

Sandrine : Les élèves étaient contents de faire une dégustation et ils ont été très intéressés ne serait-ce que pour leur futur parcours professionnel, étudiant. Les professeurs ont été aussi très intéressés d’apprendre un peu plus sur les recherches que nous faisons ici. Ils ne connaissaient pas forcément le CIRAD et ça nous a donné une visibilité. En plus, je trouve ça très intéressant d’avoir un public diversifié pour tester les goûts. Mon panel d’analystes sensoriels, c’est un jury d’expérimentés, mais on se connaît, on est entre collègues, et les avis ne sont plus tant différenciés, alors qu’en externe, on peut avoir des avis plus diversifiés et être plus représentatif des consommateurs.

 Océane : Tu dirais que les élèves étaient sensibles aux différences de goût des produits ?

Sandrine : On avait pris des variétés contrastées : on avait la Cavendish, c’est la variété standard du commerce, avec une autre variété (la 938) plus aromatique et sucrée. Ils ont su percevoir cette différence, même s’ils n’ont pas fait d’analyse sensorielle. A ma grande surprise, ils ont su décrire les différences entre les deux produits, surtout au niveau du sucre.

 Océane : Et tu disais, qu’il y a des gens qui sont formés à goûter c’est ça ?

Sandrine : Oui, ils sont entraînés, suivis et validés. Ce sont des gens qui sont formés et qui remplissent cette fonction de façon ponctuelle. On a différents types de panels et pour les bananes à cuire, on a monté un panel dit « expert », qui fait de la caractérisation. Dès qu’on rentre dans de la description de produit, il nous faut un jury qui soit un minimum expérimenté, discriminant et qui soit capable de faire cette description précisément selon des critères définis.

Date de modification : 05 juin 2023 | Date de création : 21 juin 2021 | Rédaction : O.Biabiany